La deshérence vue par les avocats
Cet article est dédié à Valentin RIBET, avocat.
Laurent DENIS
AVOCAT et Médiateur, banque, assurance, finance, fintech, crowdfunding, Conformité
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La loi dite Eckert protège les épargnants en contraignant les organismes d’assurance vie à rechercher les bénéficiaires des contrats non réclamés. Ces contraintes s’installent progressivement depuis 2005, jusqu’à la promulgation de la loi le 13 juin 2014, pour une entrée en vigueur au 1er Janvier 2016. En effet les contrats devront être soit dénoués à cette date, soit à défaut, publiés sur le fichier FICOVIE qui recensera les contrats en déshérence et toujours en cours pour les personnes vivantes.
Il y a fort à parier que de nombreuses surprises attendent les particuliers lorsqu’il y auront accès. Les erreurs qui se seront glissées dans les résultats soit au cours de recherches menées en interne soit par les travaux d’un prestataire extérieur leur seront alors parfaitement révélées. Dans les deux cas, la responsabilité civile des établissements financiers peut être engagée. Comme en matière de devoir de conseil, où les exemples de sanctions abondent !
Les assureurs ont l’obligation de mettre en oeuvre les moyens nécessaires à l’identification des bénéficiaires ou des ayants-droits. D’où l’intérêt de faire appel à un spécialiste de l’identité pour pouvoir identifier et localiser les intéressés. Quatre établissements se sont vus infliger des amendes par l’ACPR pour un montant de plus de 100 millions d’euros en un peu plus d’un an!
La publication des contrats d’assurance souscrits depuis 1991 au fichier FICOVIE sera une possibilité supplémentaire pour les particuliers de revendiquer les actifs leur revenant de droit ; si les contrats étaient malencontreusement dénoués au profit de personnes sans qualité de bénéficiaire, l’assureur devra payer deux fois.
Le généalogiste apporte une double approche juridique, au fil de ses recherches : la certification de l’identité et la connaissance de l’environnement successoral dans lequel sont souscrit ces contrats. Ces deux éléments clés sont indispensables à la sécurité juridique nécessaire aux dénouements massifs de contrats auxquels nous assistons ces dernières années.
Cette loi exprime une approche encore bien timide, et parcimonieuse, de la déshérence effective. Elle ne prend pas en compte toute la génération des produits financiers : plusieurs supports manquent comme par exemple les bons de caisse, les bons de capitalisation, les livrets d’épargne. De même, les actifs qui seraient détenus à l’étranger, y compris dans des Pays de l’Union européenne, ne sont pas concernés par les mesures prévues. La libre circulation des
capitaux devrait pourtant s’accompagner d’une protection harmonisée des épargnants et des assurés.
Les banques ont l’obligation d’identifier les titulaires de comptes et de coffres décédés mais pas, pour l’instant, de retrouver les héritiers ! Cette vision parcellisée de la protection des actifs revenant à des héritiers ou à des bénéficiaires est peu compréhensible, et fort regrettable.
En attendant de nouvelles poussées législatives, les assurés et les bénéficiaires peuvent se montrer moins négligents, en utilisant toutes les dispositions actuelles pour faire cheminer leurs avoirs conformément à leurs objectifs.
Corentin ROPARS
AVOCAT
Département Droit du patrimoine
FIDAL
Dans le cadre de la loi ECKERT, le dénouement massif de contrats en déshérence, dans la plupart des cas plusieurs années après le décès, peut présenter en pratique des difficultés d’identification du bénéficiaire.
En cas de dénouement du contrat au profit d’un mauvais bénéficiaire, le bénéficiaire réel, s’il venait à en être informé, serait susceptible d’agir à l’encontre de la compagnie d’assurance. Cette dernière a donc tout intérêt à sécuriser au maximum la détermination des bénéficiaires, en se faisant assister d’un juriste lorsque la clause bénéficiaire nécessite une interprétation, et d’un généalogiste pour l’identification de l’exact bénéficiaire.
Au plan civil, les sommes versées à titre de primes sur un contrat d’assurance-vie ne sont soumises ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers (article L 132-13 du Code des assurances).
Toutefois, les primes manifestement exagérées sont rapportables et réductibles. La jurisprudence précise que le caractère manifestement exagéré s’apprécie au moment du versement, au regard de l’âge ainsi que des situations patrimoniale et familiale du souscripteur. Il s’agit donc de déterminer si, au moment du versement de la prime, le souscripteur avait une capacité financière suffisante pour que ce versement ne soit pas suspect et s’il n’était pas trop âgé pour que ce versement présente un quelconque intérêt pour lui.
Ainsi, dans l’hypothèse où les primes versées seraient très importantes au regard du montant de la succession, les héritiers réservataires (non bénéficiaires du contrat) pourraient être tentés d’agir contre le bénéficiaire effectif, afin de faire reconnaître que les primes étaient « manifestement exagérées ».
En cas de succès, tout ou partie des primes versées seraient rapportables à la masse partageable, et, en cas d’atteinte à la réserve, soumises à réduction.
Afin d’écarter un maximum de risques à ce sujet, une approche globale de la transmission patrimoniale est recommandée.