La deshérence vue par les notaires : hold-up sur les coffres et comptes bancaires
Cet article est dédié à Bernard Navarret
Il y a deux semaines, nous vous proposions de voir la loi Eckert par l’oeil de deux professionnels du droit. Aujourd’hui, c’est Vincent Chauveau, notaire, qui nous livre son point de vue sur ce qu’il considère comme une spoliation en règle .
Un hold-up organisé entre l’Etat et les banques sur les coffres et comptes bancaires en déshérence est mis en place au 1er janvier 2017. C’est la loi Eckert du 13 juin 2014 qui entre en application
Mathias hérite de 100.000 Euros de lingots d’or dans un coffre-fort d’une banque et sur les comptes bancaires. En effet, ce coffre-fort n’avait pas été mouvementé depuis plus de 10 ans. Mais le généalogiste mandaté par un notaire a fini par retrouver l’héritier.
Actuellement si le coffre-fort est inactif au sens de la loi du 13 juin 2014, son ouverture est autorisée en présence d’un commissaire priseur ou d’un huissier et du directeur d’agence. Il semble en effet que les héritiers des coffres en déshérence soient ici les grands oubliés de la loi Eckert. Dans la mesure où les banques ne sont pas obligés de rechercher les héritiers, elles ne sont incidemment pas tenues de procéder à l’ouverture du coffre en leur présence. Pourquoi n’impose t’on pas aux banquiers de mandater un généalogiste pour rechercher les éventuels héritiers ? Les notaires eux le font.
Lorsqu’un coffre est en déshérence et qu’aucun bénéficiaire ne lui a été trouvé, les valeurs qu’il contient doivent être transmises à la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) qui les conservera avant leur passage définitif dans l’actif de l’État. Or, la CDC n’accepte que les virements de fonds… Comment faire alors pour gérer le contenu physiquement présent dans le coffre, et qui ne peut donc pas être viré en l’état à la CDC ?
La loi Eckert prévoit une procédure de liquidation, afin de convertir le contenu physique en valeur numérique transférable à la CDC via un virement. De là s’en suivra une dispersion du contenu du coffre, ce qui ne poserait aucun problème si la recherche de bénéficiaire était obligatoire : cela voudrait dire que le coffre est bel et bien en déshérence, et qu’on ne lui connait aucun bénéficiaire potentiel ; il n’y aurait alors pas réellement lieu d’envisager quelque réclamation. Au contraire, le fait de ne pas rechercher les ayants droit n’exclut en rien l’hypothèse d’une manifestation (très) tardive. L’intéressé risque alors de ne plus pouvoir récupérer le contenu du coffre, et de récupérer un reliquat de sa valeur réelle suite à la perte occasionnée via la liquidation.
L’Etat et les banques organisent donc un hold-up sur les coffres forts et comptes bancaires de leurs dépositaires décédés. Négligence législative ? Rétablissons l’ordre public successoral en obligeant les banques à faire rechercher les héritiers par un généalogiste mais aussi à faire ouvrir un coffre-fort en présence d’un notaire. En effet, le notaire est l’unique professionnel reconnu du droit de la famille. Il pourrait se trouver alors un testament dans ces fameux coffre-fort. Affaire à dénoncer et à suivre…

Source Photo : ouest-france.fr
Vincent CHAUVEAU, notaire et fondateur du Conseil du coin
@vchauveau4485